Toussaint à Todos Santos Cuchumatán : Quand la tradition maya rencontre le galop
Perché à plus de 2 400 mètres d’altitude dans le département de Huehuetenango, le village de Todos Santos Cuchumatán vit au rythme d’une tradition millénaire qui attire chaque année des milliers de visiteurs. Du 31 octobre au 2 novembre, cette communauté maya mam transforme la fête de la Toussaint en l’un des événements culturels les plus singuliers du Guatemala : le Skach Koyl, la légendaire course de chevaux ritualisée.
Cette célébration, qui plonge ses racines dans le syncrétisme religieux entre catholicisme espagnol et spiritualité maya, offre un spectacle fascinant où se conjuguent respect des défunts, rites initiatiques et communion villageoise. Une expérience culturelle intense qui révèle la persistance des traditions précolombiennes dans le Guatemala contemporain.
Le Skach Koyl : Une course sans vainqueur mais chargée de sens
Le 1er novembre à l’aube, alors que les premières lueurs percent la brume montagneuse, commence le Skach Koyl. Cette course de chevaux d’un genre particulier ne ressemble à aucune autre compétition équestre au monde. Les cavaliers, exclusivement des hommes du village, ont passé la nuit précédente à boire rituellement de l’alcool de canne à sucre, entrant progressivement dans un état de transe alcoolisé qui fait partie intégrante du rituel.
Vêtus du costume traditionnel quotidien des hommes de Todos Santos – pantalons rayés rouge et blanc, chemises bleues et blanches ornées de broderies complexes – les participants arborent pour l’occasion une écharpe cérémoniale rouge et un chapeau de paille paré de plumes multicolores évoquant le quetzal sacré. Chaque famille prépare son cavalier avec soin, perpétuant un rituel vestimentaire ancestral.
La course elle-même s’étend sur sept heures, sans départ ni arrivée officiels. Les cavaliers galopent frénétiquement sur une piste de terre d’à peine quelques centaines de mètres, s’arrêtant brièvement à chaque extrémité pour ingurgiter une nouvelle rasade d’alcool avant de repartir dans un tourbillon de sabots et de cris. Les chutes dans la boue sont fréquentes, mais des assistants positionnés le long du parcours se chargent de dégager rapidement les participants tombés.
Un rite de passage masculin transmis de génération en génération
Au-delà du spectacle, le Skach Koyl revêt une dimension initiatique profonde. La tradition maya locale exige que chaque homme du village participe quatre fois au cours de sa vie à cette course rituelle. Lors de sa quatrième et dernière participation, le cavalier brandit un coq vivant pendant sa chevauchée finale. Ce soir-là, il devra consommer seul l’animal entier, marquant symboliquement la fin de son obligation communautaire et son accession à un nouveau statut social.
Cette pratique illustre la force des structures traditionnelles dans les communautés mayas des hautes terres, où les rites de passage collectifs continuent de structurer l’identité masculine et l’appartenance villageoise. Le Skach Koyl n’est pas une compétition avec un gagnant, mais une célébration communautaire où chaque participation renforce les liens entre générations.
Entre fête des morts et communion familiale
Pendant que les cavaliers galopent dans la brume froide et la bruine typiques de l’altitude, les familles se rendent au cimetière du village pour honorer leurs défunts. Dans une atmosphère joyeuse et colorée, elles nettoient et décorent les tombes de guirlandes éclatantes, prient et partagent des repas près des sépultures. Des musiciens jouant du marimba animent le cimetière, créant une ambiance festive où la mort n’est pas crainte mais célébrée comme un passage.
Cette dualité entre la course effrénée des vivants et le recueillement auprès des ancêtres illustre la conception maya cyclique du temps et de l’existence, où les frontières entre les mondes s’estompent durant ces journées sacrées. Des danses traditionnelles masquées complètent les festivités, racontant des légendes ancestrales et des épisodes de la conquête espagnole.
Informations pratiques
Dates : 31 octobre au 2 novembre (apogée le 1er novembre)
Lieu : Todos Santos Cuchumatán, département de Huehuetenango
En résumé
La Toussaint à Todos Santos Cuchumatán offre aux voyageurs une plongée rare dans l’univers maya contemporain, où les traditions préhispaniques continuent de pulser au rythme de célébrations collectives intenses. Cette expérience unique, loin des circuits touristiques conventionnels, révèle un Guatemala profond où l’identité culturelle se transmet avec une fierté intacte. Une célébration spectaculaire qui rappelle que les racines mayas irriguent encore puissamment les hautes terres guatémaltèques, défiant le temps et la modernité.